De l'Europe dans ma vie - lettre d'information #2

20 avr. 2021

C’est un fait significatif dans notre débat public : s’inspirant grandement de Donald Trump et de Boris Johnson, plusieurs candidats déjà déclarés à la présidentielle en France ont fait du souverainisme national le cœur de leur programme politique et de l’Union européenne le grand ennemi à abattre. Un nouveau clivage tendrait ainsi à se confirmer avec d’un côté les partisans de l’État-Nation et de l’autre les « mondialistes ». Pourtant, évidemment, les choses ne sont pas aussi simples que ces personnalités veulent nous le présenter. 

Ces candidats et autres « intellectuels » cumulant les millions de vues sur YouTube commettent en effet une triple erreur d’analyse : celle de considérer que la souveraineté européenne découlerait d’un choix politique avant d’être une nécessité ; celle de mythifier la souveraineté nationale ; celle enfin de partir du principe que souverainetés nationale et européenne devraient forcément s’opposer. 

La souveraineté européenne : une nécessité 

Avant même avoir été un projet politique, l’Europe, puisque nous célébrons les 70 ans du traité de Paris, s’est construite sur une nécessité économique : celle de relever un continent en ruine après la Seconde Guerre mondiale. La coopération européenne s’est d’abord faite autour d’un marché commun pour le charbon et l’acier. Elle s’est aussi opérée sur l’énergie, l’agriculture, l’établissement d’un marché commun plus étendu avant de développer ensuite les éléments de sa puissance. Bien sûr les pères fondateurs partageaient le même dessein politique pour les Européens, mais dans les faits, cette dimension est venue après la réponse à la nécessité matérielle rencontrée par les vieux États-Nations. 

« L’action commune des Hommes répond toujours à une nécessité. Ce n’est pas une imagination, c’est de la nécessité » Jean Monnet

Cette nécessité est aujourd’hui encore bien présente et aucun homme politique un tant soit peu sérieux ne peut la nier. Les grandes transformations liées au changement climatique ou à la révolution numérique ne peuvent être appréhendées qu’à l’échelle européenne. De nombreuses crises, la Covid-19 en tête, également. La solidarité entre les 27 est un élément d’efficacité au même titre qu’un élément d’indépendance politique et c’est bien parce que nous croyons en cette souveraineté européenne pour nous protéger et assurer notre prospérité commune que nous la défendons au travers de notre association. 

Le mythe de la souveraineté nationale 

Par ailleurs, la conception selon laquelle l’État serait le seul producteur du droit est une idée battue en brèche depuis longtemps. La France a par exemple délégué depuis plusieurs décennies une partie de son pouvoir à des échelons inférieurs avec la décentralisation, inscrite dans sa Constitution, et au niveau supérieur avec l’Union européenne et nombre d’organisations internationales. La souveraineté nationale pure et parfaite défendue par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et bien d’autres relève avant tout davantage du mythe que de la réalité. Elle se base sur une conception populiste du pouvoir où toute intermédiation est abolie entre le peuple, fantasmé en un Peuple-Un, et le dirigeant. 

Cela peut marcher un temps, Donald Trump ou Boris Johnson ont eu des résultats, mais le souverainisme national se heurte très rapidement à des réalités dangereuses : des tensions internationales – alimentées par des mesures commerciales protectionnistes et des actes contraires au respect des accords passés – et internes car le lien soi-disant direct entre le peuple et le dirigeant nuit en réalité aux principes démocratiques les plus élémentaires, au détriment des oppositions et des minorités. Le dirigeant populiste, se projetant comme le représentant du peuple tout entier, ne fait en réalité corps qu’avec ses partisans, qui se perçoivent comme le prolongement de ce dirigeant, engendrant des cycles de violences et des évènements incontrôlables mettant, comme lors de l’assaut du Capitol, la démocratie en danger. 

Surtout, il place les pays qui l’adoptent dans une vulnérabilité préoccupante. Plus protecteurs des consommateurs et de leurs entreprises grâce au droit européen, les pays membres de l’Union européenne ne sont pas dans la situation du Royaume-Uni, pourtant un grand pays, qui subit aujourd’hui les dommages collatéraux d’accords de libre-échange moins protecteurs des intérêts de son pays. Les Britanniques signent en effet aujourd’hui des accords moins-disants par rapport aux standards européens parce qu’ils n’ont plus le poids politique pour imposer leurs conditions, ou les relèguent face à la nécessité impérieuse de trouver de nouveaux débouchés pour leurs producteurs qui ne peuvent plus jouir de la puissance consommatrice de l’Union. 

Ne pas opposer les souverainetés entre elles

Faire de l’Europe l’ennemie des peuples et des États est ainsi une aberration car l’UE n’est pas une entité abstraite, ce monstre technocratique et froid que le seul nom de « Bruxelles » incarnerait. Non, l’Europe politique n’est en vérité que le fruit d’une construction validée démocratiquement par les Européens et continue de dépendre quasi exclusivement de la volonté et du bon vouloir de ses États membres, le (trop) long processus de ratification du plan de relance par les Parlements nationaux en est ainsi le parfait exemple. L’enjeu politique qui est le nôtre n’est ainsi pas de tendre vers moins d’Europe mais vers l’articulation la plus naturelle et pertinente entre souverainetés nationale et européenne. 

C’est ce qu’a entrepris Emmanuel Macron depuis 2017, c’est ce que nous portons comme projet politique depuis notre élection au Parlement européen en 2019. C’est désormais ce que vous allez être en capacité de renforcer grâce à la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui sera officiellement lancée le 9 mai prochain. Avec notre association, nous voulons vous aider à prendre toute votre part à ce débat qui s’ouvre : nous allons prochainement organiser avec vous des consultations thématiques pour nourrir notre contribution commune et renforcer ce projet politique qui nous est cher. 

Valérie Hayer, présidente de l'association pour une Renaissance européenne