Le programme anti-européen de Marine Le Pen

15 avr. 2022

Tandis que la campagne de l’entre-deux tours bat son plein, il incombe à l’association Renaissance européenne d’analyser le programme de Marine le Pen sous le prisme de l’Europe. Si nous soutenons l’ambition portée à Emmanuel Macron d’une Europe puissante, souveraine, solidaire et écologique, notre rôle est aussi celui d’alerter nos concitoyens sur la dangerosité du programme de Marine Le Pen. Pour que chaque Française, chaque Français puisse sciemment, le 24 avril, glisser un bulletin qui correspond à une vision éclairée de notre avenir européen. 

Alors oui, Marine Le Pen, contrairement à 2017, ne fait plus mention de la sortie de l’Union Européenne ou de l’euro dans son programme, mais le diable se cache dans les détails car cette issue apparaît comme la conséquence inexorable des propositions pour la présidentielles de la candidate du Rassemblement national. En outre, Julien Odoul a rappelé cette semaine qu’un référendum sur la sortie de l’Union Européenne était envisageable, ce qui pourrait entraîner un Frexit décalé dans le temps.   

Arrêter de contribuer à l4union européenne ? L’impossible proposition du RN   

Un exemple marquant du manque de cohérence de Marine Le Pen : dans son programme la candidate du Rassemblement national explique : « vouloir financer ses dépenses sociales par la réduction de la contribution française au budget de l'Union. ». Un seul petit problème, cette coupure des financements de l’UE est absolument impossible car le budget pluriannuel de l’Union Européenne est voté pour la période 2021-2027 et la France ne dispose d’aucun levier pour parvenir à effectuer un changement significatif sur la question. A noter que si la France insistait, explique Yves Bertoncini président du Mouvement européen France, « la Commission couperait les fonds de la PAC (politique agricole) dont elle est la grande bénéficiaire ». Comme le rappelait également le ministre Julien de Normandie, « lorsque l’on arrête de payer son inscription à un club, on ne peut plus y mettre les pieds. C’est pareil lorsque Marine Le Pen dit vouloir quitter l’UE sans conséquence. »   

La supériorité du droit constitutionnel sur le droit européen ?   

Si la stratégie européenne n'est pas écrite noir sur blanc dans le programme de Marine Le Pen, la question de l'appartenance à l'UE se pose à chaque page de son projet. Afin de faire baisser l’immigration, qu’elle décrit comme « organisée » par l'Europe, Marine Le Pen veut organiser dès son élection un référendum pour modifier la Constitution. « J'y inscris la supériorité du droit constitutionnel sur le droit européen, explique-t-elle. Cette évolution fondamentale de notre droit trouvera à s'appliquer non seulement dans le domaine de l'immigration mais aussi dans toutes les matières, permettant à la France de concilier son engagement européen avec la préservation de sa souveraineté et avec la défense de ses intérêts. » explique Marine Le Pen qui voudrait profiter d'une Europe à la carte, par le biais de laquelle elle pourrait choisir les décisions européennes qui lui plaisent et rejeter celles qui l'indisposent comme la neutralité carbone en 2050, les traités de libre-échange, la solidarité, l'élargissement, la PAC, Frontex, la défense, etc. Cependant, et c’est un problème majeur, le référendum en question est contraire aux traités, qu’il obtienne ou non une majorité. « Le fait même d'inscrire cette primauté nationale dans la Constitution est inconstitutionnel d'un point de vue européen », explique Christine Verger, vice-présidente de l'Institut Jacques-Delors.   

Jean-Louis Bourlanges, député centriste et président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale explique : « C'est absurde, si vous affirmez la supériorité du droit national sur le droit européen, vous n'avez plus de droit européen ! Marine Le Pen a renoncé à une sortie officielle de l'Europe, mais son programme est tout simplement incompatible avec le maintien de la France dans l'Union. » A titre d’exemple : réserver la primauté de l'emploi, des aides sociales et des logements sociaux aux seuls Français, contrevient aux traités européens qui organisent le libre accès aux emplois dans tous les pays membres de l'Union.   

Marine Le Pen et son projet d’Europe des nations avec la Hongrie et la Pologne   

Si elle était élue, la candidate du Rassemblement national se rapprocherait de la Hongrie et de la Pologne pour construire une Europe des nations qui s'opposerait à la souveraineté européenne défendue par Emmanuel Macron. La candidate d’extrême droite ne cache pas son attrait pour le système qu’a mis en place le Premier ministre hongrois dans son pays : une démocratie dite « illibérale » qui assèche petit à petit le pluralisme et les contre-pouvoirs. L’association Renaissance Européenne s’est d’ailleurs rendue en Hongrie il y a quelques semaines et a pu constater les dérives autoritaires de son Premier ministre. Par le biais d’échanges avec Amnesty international, de journalistes, de partis politiques progressistes, notre association a constaté l’impossibilité pour les journalistes de pouvoir exercer librement leur métier, l’impossibilité de faire entendre des voix d’oppositions (les panneaux d’affichages en location ne sont loués quasiment qu'à Orban et leurs sociétés appartiennent à ses proches), les personnes LGBTI+ sont également très fréquemment discriminées. Pour rappel, le Premier ministre nationaliste hongrois, a organisé un référendum sur la possibilité « de montrer l’homosexualité et le changement de genre » aux mineurs. Adopté le 15 juin, un autre texte a également assimilé l’homosexualité à la pédophilie.  

Il n’est pas anodin de parler de la Hongrie quand on s’intéresse aux visions de Marine Le Pen. Emmanuel Macron l’a rappelé le 12 avril dernier : « Quand l’extrême droite se met à dire : “Je choisis les journalistes qui viennent ou qui ne viennent pas” (…), elle fait la même chose qu’on fait en Hongrie ». Le Président (candidat) faisait référence à la conférence de presse du lundi 11 avril de la candidate du RN qui avouait choisir elle-même qui était journaliste ou non et exclure le média Quotidien de cette liste.   

La vision des médias étrangers de la victoire de Marine Le Pen   

L’élection de Marine Le Pen serait une “catastrophe semblable à celle du Brexit” pour le journal allemand le “Tagesspiegel”, une éventuelle victoire de la candidate du Rassemblement national au second tour de la présidentielle menacerait l’unité de l’Union européenne et les relations franco-allemandes. Pour le journal : « Marine Le Pen, elle, ne propose plus directement de sortir de l’UE ou d’abandonner l’euro. Mais la candidate est en délicatesse sur ce terrain, puisqu’une large part de son programme resterait, en l’état, inapplicable dans le cadre des traités européens actuels. Officiellement, elle plaide pour renégocier ces textes. Mais elle affirme aussi vouloir consacrer la supériorité des lois françaises sur les lois européennes, au risque de mettre la France au ban de l’UE. »   

Le bilan de Marine Le Pen au Parlement européen   

Depuis 2019, les eurodéputés du Rassemblement national ont voté contre une série de résolutions en faveur de l’état de droit. Ils se sont systématiquement opposés aux avancées en faveur des personnes LGBTI dans l’UE, en votant notamment contre les trois résolutions suivantes : la résolution proclamant l'UE comme zone de liberté pour les personnes LGBTI, la résolution sur les violations du droit de l'UE et des droits des citoyens LGBTQI en Hongrie, la résolution sur les discrimination publique et discours de haine à l'égard des personnes LGBTI, notamment les « zones sans LGBT » en Pologne. Sur les droits des femmes, Marine Le Pen déclarait en 2019 : « Au Parlement européen, l’intégralité des lois qui défendent les droits des femmes sont en réalité truffés de mesures pour aider les migrants et donc nous y sommes opposés ». Une position bien étonnante qui rappel la facilité avec laquelle la candidate raccroche chaque thématique au sujet de l’immigration.   

Par ailleurs, le RN a voté contre la résolution sur les interférences électorales étrangères et la désinformation dans les processus démocratiques nationaux et européens, ce qui laisse présager des interférences de la Russie de plus en plus importantes.  

Enfin, le 16 février, alors que plus de 100 000 soldats russes étaient massés à la frontière ukrainienne, les eurodéputés de Marine Le Pen ont voté contre l’aide en Ukraine.   

Le 24 avril, l’unique projet réellement européen est donc celui d’Emmanuel Macron.