Toutes les options sont sur la table : les 27 se penchent sur la réforme des institutions pour préparer l’élargissement

26 nov. 2023

Le 2 novembre dernier, les ministres des Affaires étrangères des 27 se sont retrouvés à Berlin pour échanger sur l’élargissement de l’Union européenne. Au menu des discussions : le rapport du Groupe des 12 experts franco-allemands sur la réforme des institutions. Ce rapport commandé par la Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Laurence Boone, et son homologue allemande Anna Lührmann, présente une série d’options pour préparer l’Union européenne à l’élargissement. Quelle forme doit prendre une Europe élargie et plus forte ? Quelles réformes mettre en place pour garantir que l’élargissement européen ne se fasse pas au détriment de son approfondissement ? Tous ces enjeux ont été abordés sans fard par les Ministres des Affaires étrangères. Aucune option n’est a priori écartée pour préparer l’Union européenne à accueillir de nouveaux membres.

« Le chantier de la décennie »

Parce que la question n’est plus aujourd’hui de savoir si l’UE doit s’élargir, ni quand, car la réponse est « le plus vite possible » comme le souligne la Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Laurence Boone. « L'élargissement est une nécessité stratégique. La sécurité de l'Ukraine, des Balkans, c'est aussi notre sécurité ». La question à laquelle les pays européens doivent aujourd’hui répondre est comment doit-on procéder. Un élargissement qui pourrait atteindre jusqu’à 37 pays représenterait un choc important pour les institutions européennes qui appelle à revisiter en profondeur les politiques et les règles européennes. « C’est le chantier de la décennie »  selon la Secrétaire d'Etat française. Le rapport du « groupe des 12 » est unanime en ce sens : l’Europe « n’est pas encore prête, au niveau de ses institutions ou de ses politiques, à accueillir de nouveaux membres ».

Adapter les institutions

Pour garantir l’efficacité de la prise de décision européenne avec 30 ou 35 membres, les experts franco-allemands préconisent tout d’abord de limiter l’accroissement du nombre d’eurodéputés et de commissaires européens qui pourraient compliquer les délibérations. La taille du Parlement européen ne devrait pas dépasser 751 eurodéputés, comme le prévoit le Traité de Lisbonne. Du côté de l’exécutif européen, le « groupe des 12 » appelle à réduire la taille du Collège des commissaires ou bien à introduire une hiérarchie entre ces derniers. La moitié du Collège pourrait ainsi être composée de « super-commissaires » qui auraient le droit de vote, quand l’autre moitié serait composée de « commissaires normaux » sans droit de vote. Les rôles pourraient ensuite être inversés après deux ans et demi, en milieu de mandat.

Renforcer les compétences

Les experts franco-allemands recommandent ensuite de changer les règles de votes au sein du Conseil des Ministres en passant à la majorité qualifiée pour tous les domaines relevant aujourd’hui de l’unanimité. Chaque nouvelle adhésion augmentant la probabilité d’un véto, il s’agit par la même d’éviter un blocage des décisions entre les pays membres. Cela pourrait a minima débuter par l’état de droit, la politique étrangère et le budget afin de renforcer l’action européenne dans ces domaines prioritaires en perspective de l’élargissement. Pour relever le défi de la répartition des fonds européens qui sera bouleversée par l’arrivée de pays moins développés, les experts franco-allemands jugent crucial d’augmenter le budget européen et de trouver de nouvelles recettes. Les pays européens devraient également ouvrir la voie à l’émission d’obligations par l’Union européenne afin de financer ses priorités politiques.

Protéger l’état de droit

Un autre enjeu essentiel de l’élargissement pour le « groupe des 12 » sera de garantir la protection de l’état de droit. Principe cardinal de l’Union européenne, il assure le bon fonctionnement des institutions européennes et préserve nos libertés fondamentales face à l’arbitraire. Les experts franco-allemands préconisent en ce sens de faciliter le recours à la procédure de l’article 7 pour sanctionner les Etats violant ces valeurs, en remplaçant l’unanimité des chefs d’Etat par un vote à la majorité des quatre cinquièmes. Une chose est certaine c’est que nos eurodéputés, qui n’ont cessé d’œuvrer pour conditionner l'octroi des fonds européens au respect de l'état de droit, ne feront jamais de compromis sur cette question.  Le Président du Groupe Renew Europe, Stéphane Séjourné, l’a clairement rappelé lors du dernier discours sur l’Etat de l’Union : « l'état de droit sera toujours l'ADN de notre groupe ».