Sommet de la Communauté Politique Européenne : l’Europe défie Poutine dans la sphère d’influence russe

11 juin 2023

Les symboles sont parfois aussi forts que les actes. La réunion de 47 chefs d’Etat et de gouvernement européen en Moldavie le 1er juin, à seulement 20 kilomètres de l’Ukraine en guerre, restera sans conteste l’un des moments les plus marquants diplomatiquement de cette année. Il s’agit aussi et surtout d’un défi lancé au Président Poutine et à sa guerre aux velléités impérialistes, ainsi qu’un signe d'engagement collectif à faire front commun contre Moscou. Car littéralement et métaphoriquement, le deuxième sommet de la Communauté politique européenne (CPE) se déroulait dans l'arrière-cour de la Russie, une région que M. Poutine considère comme faisant partie de sa sphère d'influence.

La CPE est une initiative du Président Macron, lancée en mai 2022 durant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, et basée sur l’idée que « l’UE ne peut pas être le seul moyen de structurer le continent ». Le 1er sommet a eu lieu le 6 octobre 2022 à Prague. Décrite par le Président comme « une architecture institutionnelle innovante et nouvelle », la Communauté politique européenne est « un laboratoire géopolitique » a-t-il déclaré lors du forum sur la sécurité GLOBSEC, tenu la veille à Bratislava.

La mobilisation exceptionnelle des autorités moldaves, aidées par la France sur le plan logistique et sécuritaire, a permis de faire de ce sommet inédit un succès. Un imposant dispositif de sécurité a été déployé dans ce petit pays de 2,6 millions d’habitants, sans parler des 700 journalistes missionnés pour couvrir l’évènement. La Moldavie bénéficie, grâce au succès du Sommet de la CPE, d’une visibilité inédite et d’un large soutien à ses efforts d'intégration européenne, elle qui a reçu en juin 2022 le statut de candidat officiel en même temps que l’Ukraine. Sous la houlette de sa présidente pro-occidental Maia Sandu, le pays tente de se frayer un chemin vers l'adhésion à l'Union européenne, perçue comme la seule garantie de sécurité viable. La Moldavie doit en effet faire face à de multiples menaces russes, non seulement dans la région séparatiste de Transnistrie, mais aussi par le biais d'un barrage constant d'attaques contre sa démocratie, son approvisionnement en énergie et ses communications.   

Comme tout grand sommet international, celui-ci a eu le droit à son lot d’annonces. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté des initiatives concrètes à destination des pays européens qui le souhaitent, à savoir l’extension de la cyber réserve européenne aux pays de la CPE et l’élargissement des mesures sur la protection des infrastructures critiques. Dans son discours, le Président de la République a cité le déploiement d’une mission PSDC (politique de sécurité et de défense commune) civile pour lutter contre les menaces hybrides, l’adoption d’un régime européen de sanctions contre ceux qui cherchent à déstabiliser la Moldavie ou encore l’association au mécanisme pour l’interconnexion en Europe.

Ces mesures illustrent la tâche ardue de l'Europe, qui tente d'embrasser une communauté plus large de pays, dans un contexte où la menace russe plane sur le continent. Selon les propos de l’eurodéputé Renew Europe Bernard Guetta dans son dernier ouvrage La nation européenne, la CPE doit permettre « d’établir des projets communs cimentant petit à petit une unité continentale autour de l’Union européenne ». Une ambition qui correspond à celle d’Europe géopolitique poussée par le groupe Renew Europe. Le prochain sommet est prévu pour octobre à Grenade (Espagne), et sera l’occasion de poursuivre la construction d’une communauté européenne au-delà de l’Union.