Adoption du Chips Act, le texte qui relance l’UE dans la course aux semi-conducteurs

8 août 2023

« L'Europe prend son destin en main ». Ces mots de Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur et affilié au groupe Renew Europe, ont salué l’adoption le 11 juillet dernier du « Chips Act » par une large majorité de députés européens.

Ce texte contient un plan visant à réduire la dépendance de l'Union européenne envers l'Asie sur le secteur très stratégique des semi-conducteurs, fabriqués à partir de métaux comme le silicium, le gallium et le germanium, qui sont des composants essentiels de nombreuses technologies du quotidien. L'objectif affiché est d'atteindre une part de marché mondiale de 20 % en 2030, soit deux fois plus qu'aujourd'hui, en mobilisant 43 milliards d'euros d'investissements publics et privés en faveur de cette industrie.

En effet, cette nouvelle législation va permettre de créer un écosystème plus favorable, avec notamment l'accélération des procédures, la création d'un « statut d'importance nationale la plus élevée » pour les semi-conducteurs ainsi qu'un soutien accru aux PME et TPE. Par ailleurs, la législation renforcera les droits de propriété intellectuelle pour protéger le secteur et met en place « un réseau de centres de compétences » pour former une main-d'œuvre plus qualifiée en la matière. Le texte veille aussi à renforcer les partenariats commerciaux avec d’autres pays, comme le Japon (un mémorandum a déjà été conclu). Surtout, tirant conclusions des difficultés d’approvisionnement rencontrées par l’UE durant la pandémie de Covid-19, le texte prévoit ainsi un mécanisme d’alerte permettant de mettre en œuvre des mesures d’urgence, tels que des achats groupés entre les Vingt-Sept. Enfin, le Parlement européen, qui, sous l’impulsion des eurodéputés de Renew Europe, a voulu aller plus loin encore que le texte initial proposé en février 2022 par la Commission, a obtenu l’ajout d’une enveloppe de 3,3 milliards d'euros, qui sera destinée à la recherche et à l'innovation.

Pour comprendre la portée historique de ce texte, il faut le replacer dans le contexte géopolitique. Les semi-conducteurs sont incontournables dans la fabrication de nombreux objets essentiels de l'économie numérique en plein essor, mais aussi pour les nouvelles technologies nécessaires à la transition écologique. Malgré le fait qu'elle soit à la pointe de la recherche sur les puces, l'UE a vu sa part de marché chuter ces dernières décennies. La pénurie de semi-conducteurs, qui a freiné l'industrie automobile, a provoqué un électrochoc. Les tensions géopolitiques autour de la Chine ont achevé de convaincre les Européens de la nécessité de dynamiser ce secteur.

En effet, pas plus tard que fin juillet, la Chine a décidé de freiner les exportations de deux métaux essentiels à la fabrication des puces (le gallium et le germanium) en représailles aux mesures prises par les États-Unis, les Pays-Bas et le Japon. Cette guerre commerciale se déroule dans le contexte d'une course mondiale aux subventions visant à délocaliser la production de puces électroniques. Ce qui a commencé à une époque de pénuries dues à une pandémie est maintenant une course pour sécuriser les chaines d'approvisionnement au cas où un conflit éclaterait à Taïwan, l'une des principales plaques tournantes des puces électroniques. Avec la mainmise chinoise sur les matières premières (qui représente 95 % de l'offre mondiale de gallium), les pays européens sont particulièrement vulnérables : par exemple, l'Allemagne est le deuxième importateur de gallium.

La bonne nouvelle est que le Chips Act, alors qu’il n’entrera en vigueur qu’à l’automne prochain, aurait déjà suscité plus de 90 milliards d’euros d’investissements industriels selon la Commission européenne. Même si ce bilan reste en dessous de celui du Chips Act américain (le Chips and Sciences Act des Etats-Unis a suscité plus de 300 milliards de dollars d’investissements privés, avec l’objectif de dépasser 500 milliards de dollars), le Chips Act européen devrait porter le poids de l’UE dans la production mondiale de puces à 20% en 2030, contre moins de 10% aujourd’hui.

De tels investissements donnent naissance à de nombreux projets industriels partout en Europe. La France n’est pas en reste, avec notamment avec 12 projets impliquant des entreprises telles qu’Airbus, Aledia, Continental, Lynred, Orange, Renault, ou STMicroelectronics. Citons notamment le projet de méga-usine de production de composants entre STMicroelectronics et GlobalFoundries à Crolles (38), ou celui d’Airbus nommé Air ! 5G qui, comme son nom l’indique, veut développer les communications 5G en vol. L’investissement global pour la France est évalué à 7 Md$ et la création de 2 500 emplois directs est attendue.

Voilà donc un texte historique, poussé par les eurodéputés Renew Europe car répondant au besoin d’autonomie stratégique de l’UE dans le domaine industriel, qui va permettre de renforcer le tissu technologique de l’UE sur le long-terme.