Sommet de la CPE à Grenade : l’Elargissement de l’UE à l’horizon

16 oct. 2023

« L'élargissement constitue un investissement géostratégique dans la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité » selon la Déclaration de Grenade adoptée le 6 octobre 2023.

Près de 50 dirigeants du continent européen se sont rassemblés le 5 octobre dernier en Espagne pour afficher leur unité. Éviter les fissures sur le continent européen face à l’agression russe contre l’Ukraine et écarter le spectre d’une perte de soutien à Kiev, tels étaient les principaux sujets de discussion du troisième sommet de la Communauté politique européenne de Grenade. Un sommet “en demi-teinte” marqué par l’absence de l’Azerbaïdjan et aussi du président turc, Recep Tayyip Erdogan, mais au cours duquel le président ukrainien Zelensky a obtenu de nouvelles promesses d’aide militaire, alors que l’Europe redoute un repli du soutien américain.

Mais si les questions migratoires ont absorbé une partie des discussions avec des déclarations provocatrices de la Pologne et de la Hongrie, les dirigeants européens ont également discuté de la manière dont l’Europe devra accueillir jusqu’à neuf nouveaux pays au cours de la prochaine décennie, à savoir l’Ukraine, la Moldavie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, ainsi que la Géorgie et le Kosovo.

La Déclaration de Grenade précise en effet que « l'Union doit mettre en place en interne les travaux préparatoires et les réformes nécessaires » en vue de l’élargissement. Un véritable saut géopolitique, si l’on se rappelle qu’en 2014, Jean-Claude Juncker avait affirmé qu’il n’y aurait pas d’élargissement pendant le mandat de la Commission européenne qu’il présidait alors, ce qui eut un effet désastreux sur la motivation des pays candidats à s’engager de bonne foi dans les réformes internes nécessaires.

Aujourd’hui, l’adhésion de ces nouveaux membres, en particulier l’Ukraine, recueille un vif soutien des hauts responsables de l’Union. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a plaidé en faveur d’une Union européenne élargie à 30 pays lors de son discours sur l’état de l’Union en septembre. Elle avait même invité les nations à ne “pas attendre” une modification des traités pour élargir l’UE. L’élargissement de l’UE d’ici 2030 est faisable, mais seulement si les candidats et le bloc lui-même « redoublent d’efforts », a déclaré le commissaire à l’élargissement Olivér Várhelyi, ajoutant que la Commission européenne prévoit de faire des « propositions substantielles » en octobre. Les plans qui seront proposés incluraient principalement un « Plan de croissance », déjà évoqué par la présidente de la Commission européenne en mai, avec lequel l’UE cherche à augmenter les investissements dans les Balkans occidentaux, ainsi qu’à atténuer l’impact économique de la guerre de la Russie contre l’Ukraine.

Du côté des Etats membres toutefois, tout le monde n’est pas de cet avis. Le principal point de tension a concerné l’inclusion d’une date précise concernant l’élargissement. Si certains estiment qu’il n’est pas judicieux de définir des calendriers déterminés, d’autres, comme la France et l’Allemagne, partagent l’ambition de l’échéance de 2030 à condition que les réformes institutionnelles nécessaires soient menées à bien dans l’UE. Une ambition portée par les eurodéputés du groupe Renew Europe. L’enjeu est de taille, l’Union dans son cadre institutionnel actuel risquant potentiellement de devenir ingouvernable à plus de 30 membres.

Afin d’orienter les discussions, un rapport d’experts franco-allemand sur la meilleure façon de réformer l’UE pour la préparer à l’adhésion de futurs membres a été commandé par les ministres des Affaires européennes français et allemand fin septembre. Avec ce rapport, Paris et Berlin souhaitent présenter le débat sur la réforme sous un angle plus large que la simple question de savoir si les traités de l’UE doivent être renégociés ou non. Les experts ont notamment examiné de plus près les mécanismes de prise de décision au sein de l’Union. Ils proposent de redéfinir la majorité qualifiée à 60 % des États membres représentant 60 % de la population de l’UE, au lieu du seuil actuel de 55 % des États membres représentant 65 % de la population. L’unanimité ne devrait plus être que l’exception, tandis que l’utilisation de « clauses passerelles » selon lesquelles certains domaines politiques pourraient être votés à la majorité qualifiée devrait être encouragée, indique le rapport.

La Commission européenne devrait publier ses rapports annuels sur l’élargissement concernant les progrès réalisés par les pays candidats au début du mois de novembre. Sur cette base, les dirigeants de l’UE devraient décider en décembre d’ouvrir ou non les négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie. Un élargissement dans un horizon qui se rapproche.